Les origines de North Hatley
À l’image de son site et de son patrimoine, North Hatley a une histoire originale, qui mérite d’être découverte !
La terre sur laquelle nous nous trouvons est le territoire ancestral non cédé de la nation abénaquise (Abénaquis), les Ndakina.
Au cœur du site, un lac
En 1792, le capitaine Ebenezer Hovey, un Américain du Connecticut, « découvre » le lac Massawippi. Nul doute qu’il est séduit par le lac et la chaîne de montagnes environnante : ensemble, ils forment en effet un complexe unique, qui fait de ce lieu un des plus beaux au Québec. Tout comme Magog, Memphrémagog, Coaticook et Mégantic, « Massawippi » proviendrait d’un mot abénaquis, et il signifie « eau claire en abondance » (Source). Le lac, dont la forme évoque celle d’un hippocampe, a une superficie de 15 km² et sa profondeur atteint 75 m.
Premiers arrivants
Avec sa vue, son microclimat et sa végétation dense – auxquelles s’ajoutent une abondance de poisson et de gibier – la région devient une destination de choix pour des Loyalistes qui arrivent du sud de la frontière, tout près, fuyant la révolution américaine. Les nouveaux habitants choisissent de baptiser la région « Hatley », en souvenir d’un village anglais. En 1803, Hovey, Henry Cull, un homme d’affaires anglais, et leurs associés se voient concéder le canton de Hatley. En 1830, trois familles – les Cull, Wadleigh et LeBaron – se partagent les terres de ce qui s’appelle alors Massawippi Outlet. Leurs descendants habitent toujours la région. Avec l’ouverture du premier bureau de poste vers 1859, Massawippi Outlet prend le nom de North Hatley.
La première source de revenu sera la potasse (comme en témoignent les mines Capelton, tout près), auxquels s’ajouteront d’autres métiers qui contribueront aussi à la prospérité de la région: fabriques de beurre, moulins à farine, forges, boucheries, agriculture, etc.
Le chemin de fer
Et pourtant, n’eût été le chemin de fer, la bourgade serait longtemps restée un secret bien gardé.
Cependant, en 1852, la St-Laurence & Atlantic Railroad relie à Longueuil à Sherbrooke avec la première ligne ferroviaire des cantons de l’Est. But de l’entreprise : relier Montréal à un port océanique afin de maintenir le transport transatlantique pendant la saison froide, où le Saint-Laurent n’est pas navigable. Dès 1853, la ligne est prolongée jusqu’à Portland, ville côtière du Maine, en passant par North Hatley.
En 1869, North Hatley compte un bureau de poste, un magasin général et quelques maisons. Cinq ans plus tard, le petit village est en pleine expansion, avec plusieurs maisons en construction. On érige une gare et en 1881 l’Atlas des Cantons de l’Est montre un hôtel, une église, une forge et plusieurs fermes.
Les estivants venus du sud
Vers 1886, un événement en apparence anodin va changer la destinée du petit village paisiblement niché à la pointe du lac : le docteur Powhatan Clark et sa famille, résidents de Baltimore – des invités de Wilford LeBaron –, sont enchantés par la vue du lac et de la campagne environnante. Cédant aux charmes du site, ils décident de se faire ériger une résidence secondaire à North Hatley et de venir y passer leurs étés.
Ils seront bientôt suivis par les Brents, les Daves, les Brown, les Carrington et bien d’autres, qui ont les moyens de migrer chaque été – souvent en wagon privé – vers ce havre de fraîcheur et de beauté, échappant ainsi à la chaleur étouffante du Maryland. Cette grande migration touristique d’Américains du Sud vers North Hatley est rendue possible par l’inauguration du « Massawippi Valley Railway», chemin de fer qui relie Newport, au Vermont, à Lennoxville.
Ainsi les habitudes des villageois sont un peu bousculées par l’arrivée de ces villégiateurs du sud, qui étaient accompagnés de serviteurs noirs.
« La petite histoire raconte que durant la traversée des États du Nord, ils abaissaient les stores des wagons! Un résident âgé de Sherbrooke se souvenait de l’attraction qu’exerçait sur la population l’arrivée colorée du train au début de l’été. « On voyait débarquer des familles de sudistes accompagnées de domestiques noirs et de montagnes de bagages! »» (Hélène Laberge, L’Agora).
En plus de se faire construire d’imposantes villas au bord du lac et en flanc de montagne, ces résidents à temps partiel implanteront leur culture. On retient par exemple les services de Bertram Goodhue, architecte new-yorkais de renom, pour dessiner les plans de l’église St-Barnabas (1894). Ce ne sont pas cependant que les familles étatsuniennes qui profitent des étés de North Hatley : le village est aussi très prisé des familles aisées de Montréal.
Une vocation fermement établie
Le village est constitué en municipalité en 1887, et l’on voit apparaître des services et des activités propres à combler les loisirs de ces habitants saisonniers. Le Massawippi Canoe Club est créé vers 1883 ; en 1897, le North Hatley Club est fondé (tennis, canoë, voile, natation et activités sociales) ; la bibliothèque est créée en 1898 et un an plus tard un golf apparait sur les collines qui surplombent le lac du côté est.
Plusieurs hôtels de luxe s’implantent, et des bateaux à vapeur, sur lesquels les vacanciers aisés font des « mini-croisières » très courues, sillonnent le lac. En 1897, North Hatley obtient le statut de ville. En 1903, l’Atlas Goad établit la population de North Hatley à 250 en hiver et 1200 en été, ce qui illustre bien sa vocation de villégiature.
La rue Main, cœur du village, compte alors une gare, plusieurs magasins, trois églises et un bureau de poste. Les chemins de la Rivière et de Sherbrooke conservaient bien leur caractère agricole, mais North Hatley était essentiellement un lieu de villégiature privilégiée. Cette vocation, qui s’accentuera encore davantage pendant les décennies suivantes, est encore bien vivante de nos jours !
Principales sources et liens d’intérêt
- Étude d’urbanisme par [Nom de l’auteur], commanditée par le Village de North Hatley, 1986
- North Hatley: cent ans d’histoire, par Hélène Laberge
- Site du patrimoine de North Hatley
- La gare en 1910
- Vue du lac au 19e siècle, c. 1842